L'article 122.5 du Code Pénal prévoit les conditions de la légitime défense, mais il appartient aux juges de statuer sur chaque affaire. C'est pourquoi il est toujours intéressant de se pencher sur des cas réels, que résume le Lieutenant Alexis Sobol, Avocat à la cour, dans le journal Le Progrès de la Gendarmerie et de la Garde Républicaine, et que nous vous résumons ici.
(NB : si vous n'êtes pas familier de la loi, reportez-vous à nos précédents articles ici et ici)
1ère affaire, Mai 2009
Circonstances : une rixe a opposé deux résidents d'un même immeuble, Mr A et Mr B, au seuil et dans l'appartement de ce dernier.
Dommages corporels :
Mr B : ITT < 8 jours (frappé dans le dos, à la tête, sur le thorax, à l'épaule)
Mr A : ITT > 8 jours (coup de couteau reçu à l'épaule)
Légitime défense : non
Motif : il y a disproportion de la défense (avec arme blanche) par rapport à l'attaque, le défenseur n'ayant de plus pas établi que l'attaquant était lui même armé, et ce même pour la défense du domicile, de nuit.
Peines :
Mr B : 6 mois avec sursis pour violence avec usage ou menace d'une arme suivie d'une incapacité supérieure à 8 jours
Mr A : 750€ d'amende pour violence avec ITT < 8 jours.
2ème affaire, Avril 2009
Circonstances : après une altercation en boite de nuit au sujet d'une fille, Mr T et Mr L se retrouvent pris à partie, une fois à l'extérieur, par une dizaines d'individus armés de batte de base-ball, d'un couteau et de tessons de bouteille. Mr T parvient a appeler au téléphone 2 amis, Mr O en Mr B, qui les rejoignent, armés pour leur part d'un pistolet d'alarme et d'une matraque (Mr O) et d'une machette (Mr B).
3 des agresseurs du groupe sont blessés dans la rixe qui s'en suit, et les autres s'éparpillent.
Dommages corporels :
2 personnes avec une ITT > 8 jours parmi les blessés du groupe armé.
Légitime défense : oui
Motif : il convient d'apprécier la gravité du danger pour déterminer la légitime défense invoquée par les prévenus. D'un côté, un groupe d'au moins 10 individus, armé d'un couteau, d'une bouteille et de battes de base-ball, qui détenait en otages 2 amis. Mr O et Mr T ont d'abord pourparlé, avant de sortir leurs armes, après que les autres, bien supérieurs en nombre, aient manifesté physiquement leur hostilité et s'apprêtaient à les lyncher. Dès lors, les coups de machette portés par Mr B doivent s'analyser en des actes de défense proportionnés à la gravité du danger. Il y a bien proportionnalité de la défense par rapport à l'attaque.
Peine : relaxe
3ème affaire, Avril 2009
Circonstances : une femme agresse verbalement et physiquement un homme, le giflant et lui lancant un couteau, qui le touche au thorax sans le blesser. Lorsqu'elle s'en prend une seconde fois physiquement à lui, il lui donne un coup de tête.
Dommages corporels :
ITT < 8 jours pour la femme.
Légitime défense : non
Motif : l'acte de riposte n'est pas commandé par la nécessité de défense au moment ou il a lieu (le gros de l'attaque de la femme est passé, il est donc un peu trop tard). Le coup de tête, coup violent et dangereux, n'est de plus pas proportionné à l'attaque au moment où il est porté. Enfin, il est porté sur une femme, de stature et de force inférieure à l'homme dans ce cas là : l'homme aurait donc pu choisir une autre riposte.
Peine : 100€ d'amende avec sursis.
4ème affaire, Février 2009
Circonstances : vers minuit, Mr G. entend frapper à sa porte, et l'entre-ouvre. Il est repoussé dans son appartement par un voisin, Mr K, qui est déjà venu le voir au sujet d'un pétard jeté par une fenêtre. Mr K, une fois entré, s'assoit sur le canapé et saisit par le goulot une bouteille avec laquelle il menace Mr G. Mr K se lève et commence à tout casser dans l'appartement, avant de s'en prendre physiquement à Mr G. Celui-ci tombe à terre et Mr K a le dessus. Mr G parvient à se saisir d'un couteau, et porte 6 coups. Il est apparu par la suite que Mr K a 2,73g d'alcool dans le sang.
Dommages corporels :
Mr K : ITT de 100 jours.
Légitime défense : oui
Motif : C'est face à une atteinte physique injustifiée que Mr G a accompli dans le même temps un acte proportionné à la gravité de cette atteinte. Mr G a agit pour protéger sa vie de manière immédiate en utilisant la violence nécessaire pour faire cesser le danger.
Peine : relaxe.
5ème affaire, Janvier 2009
Circonstances : Mr M se rend sur RDV à l'école de son fils, pour un entretien au sujet du maintien de l'enfant en classe de CE1. Reçu par l'institutrice, Mme D, Mr M s'énerve rapidement, attrape la femme par les cheveux et la jette par terre en la couvrant de coups de pieds et de poings. Puis il profère des menaces de mort à son encontre et celle de ses enfants, tout en la menaçant d'un stylo. Alertés par le bruit et les cris, des membres du personnel de l'établissement entrent dans le bureau et découvre la scène, Mr M debout proférant des menaces et Mme D par terre qui se tient la tête. Mr M se saisit de ciseaux situés sur le bureau en invoquant la légitime défense du fait que Mme D l'aurait, selon lui, agressé avec, et qu'elle se serait jeté sur lui avec afin de le blesser.
Dommages corporels :
Mme D : ITT de 15 jours.
Légitime défense : non
Motif : Mr M n'a pu a aucun moment prouver sa version des faits, selon lesquels Mme D l'aurait attaqué en premier armée des ciseaux. Quand bien même cette version aurait été véridique :
- rien ne permet de prouver que la défense ait été directement consécutive à la menace
- le fait que les ciseaux soit sur le bureau et Mme D par terre suggère que la menace représentée par les ciseaux avait cessé. Dès lors, pourquoi continuer à frapper Mme D au sol ?
Dans ces circonstances, le motif de légitime défense ne peut être retenu.
Peine : 6 mois avec sursis.