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24 septembre 2012 1 24 /09 /septembre /2012 16:27

Une des premières remarques/ questions qu’on entend chez les débutants concerne les techniques à assimiler. Qu’il s’agisse de leur nombre (« Je ne serais jamais capable de retenir tout ça ! »), de leur organisation (« Combien de techniques faut-il apprendre pour passer la ceinture jaune ? ») ou de leur efficacité (« Mais combien de techniques il faut connaître pour bien savoir se défendre ? »).

 

Ce type de questionnement est certes naturel et très répandu, mais il dénote une approche occidentale des arts martiaux et repose sur au moins 2 idées fausses :
-    La première idée est celle selon laquelle la progression du pratiquant se mesure au nombre de techniques connues. Autrement dit, pour passer les sacro-saintes ceintures de couleur, il faut connaître son A.B.C technique… (Glissons ici que les ceintures de couleur sont justement un ajout aux arts martiaux asiatiques destiné à faciliter leur « exportation » auprès de nous autres occidentaux, et qu’elles n’existaient pas avant les années 1920),
-    La seconde est que l’efficacité du pratiquant repose sur le nombre de techniques qu’il connaît, selon l’idée que plus on connait de techniques, plus on peut faire face à un grand nombre de situations.


C’est d’ailleurs une idée parfois entretenue par le système même des grades de couleurs : le débutant est ceinture blanche, puis progresse jusqu’à la ceinture noire. Au-delà d’autres grades existent (ceinture blanche et rouge du 6ème au 8ème Dan par exemple), et à la fin, le Maître revêt à nouveau une ceinture blanche, plus large que la ceinture du débutant. Cette quadrature du cercle de couleur s’interprète souvent comme un retour aux sources : ayant assimilé toutes les techniques possibles, le Maître retrouve son esprit de néophyte. Complètement ouvert à ce qui se passe face à lui, il a l’esprit « vide », comme le débutant, mais sa longue pratique lui permet de répliquer sans délai et avec efficacité à toutes attaques dirigées contre lui.


Cette explication romanesque soutient donc l’idée qu’à force de pratique, l’individu serait capable de choisir instantanément LA bonne technique face à une attaque. Autrement dit que son esprit et son corps, tels des super ordinateurs, opposeraient à l’attaque 1 la riposte A, à l’attaque 2 la riposte B, etc… sans jamais se tromper. Cette idée de « bonne pioche » est malheureusement erronée (un mythe s’effondre…) et cela implique donc pour le débutant une toute autre approche de sa pratique…


En effet, et notamment en self défense, il est plus important de comprendre les principes que d’assimiler les techniques. Les techniques n’existent pas en dehors d’un contexte, que l’entrainement s’évertue à reproduire le plus fidèlement possible. Ce contexte est celui de l’attaque : anticipée ou par surprise ? un ou plusieurs adversaires ? de près ou de loin ? de jour ou de nuit ? à partir de quelle position ? dans quel environnement ? etc, etc…


Face à ces contextes on trouve des grands principes, qui cherchent à être valides dans le plus grand nombre de cas possibles. Par exemple, un principe est celui de la distance : c’est mieux d’être positionné le plus loin possible de l’agresseur potentiel avant que celui-ci ne lance son attaque. Ou cet autre : dès que la menace cesse, il est important de scanner à 360° autour de soi pour voir s’il n’existe pas d’autres risques.
La connaissance des principes va guider le pratiquant débutant dans le scénario des attaques jouées à l’entrainement. Au lieu d’être une séquence brève de type « attaque 1 = réponse A », les exercices deviennent un continuum de principes et d’actions beaucoup plus fluides et naturels, au cours desquels la réaction de l’élève est libre, tant qu’elle respecte les principes édictés.


Comme le montre le schéma ci-dessous, dans une première phase, il est donc plus important de comprendre les grands principes de la self défense, puis d’apprendre des techniques qui y correspondent, que simplement emmagasiner des techniques les unes derrières les autres sans savoir quand, où et pourquoi les utiliser.
L’apprentissage du débutant doit donc être le plus contextuel possible.

 

principes-vs-techniques.JPG

Une fois les principes connus et un premier corpus technique appris, vient une phase 2 au cours de laquelle le pratiquant peut augmenter le nombre de techniques travaillées. Ce travail n’est absolument pas indispensable pour devenir efficace et savoir réagir à une grande variété de situation, mais :
- il correspond à l’envie de 99% des pratiquants « d’en savoir plus » et est donc relativement naturel,
- il permet de progresser dans l’art martial/ sport de combat que l’on a choisi (la voie martiale ou sportive étant différente de celle strictement consacrée à la self défense)
- il permet également de découvrir de nouvelles techniques et de choisir ensuite celles « qui marchent pour nous »


Durant cette phase, le pratiquant reste guidé par les principes assimilés en première phase. C’est d’ailleurs à l’aune de ces principes qu’il peut commencer à différencier la pratique martiale ou sportive de la pratique de self défense « survie ».


Dans une troisième phase, le pratiquant va commencer à réduire son corpus technique. C’est en effet là le « secret » de l’efficacité : moins de techniques, adaptées à plus de cas et mieux maîtrisées. Voilà qui réduit le temps de réflexion (moins de techniques parmi lesquelles piocher) et augmente l’efficacité (technique mieux réalisée = meilleure chances de réussite). Et voici qui rapproche le « Maître » du débutant : comme le débutant, le Maître connaît peu de techniques, mais sait les utiliser dans un maximum de situation, et les exécuter parfaitement. Il ne s’agit donc pas d’être un super ordinateur, mais bien un super paresseux ! Savoir faire « plus avec moins » en abandonnant les techniques inutiles ou qui ne nous correspondent pas…


Dans cette phase, le pratiquant peut cependant augmenter le nombre de principes et de techniques apprises, tout simplement en allant explorer d’autres styles, arts, écoles pour élargir son champ de compétences (de la main nue à la main armée, du kimono à la tenue de tous les jours, etc…). On notera sur le schéma que le nombre de principes augmentent peu : les garde-fous garantissant l’efficacité sont à peu près les mêmes dans toutes les disciplines, et ce qui fonctionne à main nue s’avère également vrai avec la main armée par exemple.
De même, le nombre de techniques ajoutées ne doit pas être énorme : il faut explorer de nouvelles voies avec l’esprit de l’expert, non du débutant. C’est-à-dire en choisissant soigneusement les techniques à incorporer à son corpus, et non en repartant dans une collection accumulative.
Il s’agit par l’apprentissage  d’aller plus loin et d’ouvrir son champ des possibles, non de se noyer sous les techniques voire les doutes.


Bref, chers amis nouveaux pratiquants, à vous de garder l’œil ouvert dès les premiers cours et de comprendre le « où et pourquoi ? » avant le « comment ? ». Car une technique parfaitement exécutée mais hors de propos vous mettra plus rapidement hors course qu’une technique imparfaitement exécutée mais opportune.


Bon entraînement !

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commentaires

P
J'ai adoré ce commentaire : en effet, croire qu'en apprenant , comme un ordinateur, 150 techniques de défense contre un coup de poing circulaire est efficace, c'est une grosse erreur, il y aura<br /> toujours une 151° attaque de poing différente et imprévue ...<br /> Donc on en revient aux principes, et au travail de base : pour l'Uechi Ryu, hojo undo, sanchin, et endurcissement musculaire : avec çà on se débrouillera toujours !
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Le livre de Philippe Gouedard , intitulé "Protection Rapprochée Personnelle : légitime défense & actions préventives" est paru.
Il présente notre approche d'une self protection globale, qui commence en amont par un ensemble de conseils de prudence et de bon sens. Ce n'est donc pas un recueil de techniques.
Le livre est disponible chez les libraires réels et virtuels au prix de 19€50.