A un moment donné, dans un parcours de pratiquant, se pose la question de l’efficacité. La question "Suis-je efficace ?" cache souvent une autre question : "Suis-je puissant ?" ou "Même si je sais que ce n’est pas le but ultime, est-ce que je serais capable de mettre quelqu’un KO avec un coup ?"
En partie, la puissance, c’est la capacité à délivrer de l’énergie cinétique lors de la frappe.
Pour ceux qui dormaient en cours de physique, il est peut être utile de rappeler que l’énergie cinétique se calcule par la formule e=1/2 mv2 (ou e est l’énergie, m la masse et v la vitesse).
5 enseignements sont à tirer de cette formule.
Premier enseignement : à temps d'entraînement égal, il est plus "rentable" de travailler sa vitesse (car elle est au carré dans la formule), que sa masse : à un ou deux kilos de masse près, l’énergie délivrée n’augme pas beaucoup à vitesse équivalente. A contrario, à poids égal, dès qu’on augmente la vitesse, l’énergie délivrée est significativement augmentée.
Ceci dit, il est bien sûr intéressant d’être à la fois massif et rapide, tant pour délivrer de l’énergie que pour l’encaisser.
Deuxième enseignement : derrière cette formule, il y a bien sûr une technique qui permet de délivrer le maximum d’énergie si elle est correctement exécutée (sur un coup de poing par exemple).
La première manière de délivrer de l’énergie, en statique, c’est de générer une rotation importante, partant des pieds et remontant jusqu’au poing.
Le pied gauche pousse vers l'avant, le pied droit vers l'arrière, ... une rotation s'amorce, qui influe sur le bassin... par l'action des muscles abdominaux et dorsaux, elle est transmise aux épaules, qui ajoutent leur mouvement et elle fini en ligne droite dans le bras par un impact dont l'énergie, en fait, vient des pieds.
La deuxième manière de produire de l’énergie, c’est d’ajouter à cette première rotation un déplacement linéaire vers l’avant, qui va ajouter à l’énergie de la rotation le poids du corps (NB : c'est aussi l'explication du petit dicton "on ne combat pas en reculant").
La troisième manière, c’est l’ajout d’un déplacement descendant, qui a lieu lorsque l'impact se produit alors que les deux seuls points de contacts du corps sont le pied arrière au sol et le poing sur la cible.
Plus on est capable de combiner ces 3 manière, plus la frappe est puissante. Une bonne rotation, exécutée alors que le corps avance tout en s’écrasant au sol à l’arrivée (enracinement) donne un coup tout simplement dévastateur.
NB : pour une bonne transmission de la rotation entre les jambes et le tronc, il est important d’avoir une bonne sangle abdominale. Ne négligez donc pas les abdos !!
Troisième enseignement : pour parvenir à la fois à avoir de la vitesse, une bonne technique de rotation et un transfert de masse, il est également crucial d’être relâché.
Sans cette sensation de détente totale, la mobilisation de l'énergie ne peut pas être optimale. Ce relâchement doit d’ailleurs être aussi bien physique que mental : le "lâcher prise" favorise l'expression de l'intuitif, de l'instinctif et puis du réactif.
Pour produire un mouvement correct, il faut être parfaitement détendu et relâché, puis ne contracter que les muscles qui vont produire le mouvement que l'on souhaite. En étant globalement bien détendu et relâché, on oblige notre corps à ne pas freiner le mouvement, économisant ainsi de l'énergie, et la patate est transmise... Frapper autrement que relâché, c'est un gaspillage d'énergie monumental.
Conséquence, plus on a de la puissance, et moins on est obligé d'être précis. C’est un gros avantage car sous stress et sur une cible mobile, il n’est pas facile de toucher les cibles faibles nécessitant peu de force ( cou, œil, parties génitales, …).
Ce n’est pas pour autant qu’il faut penser que la puissance se suffit à elle-même. C'est complètement faux.
Quatrième enseignement : l’impact généré est bien plus complexe que juste l'énergie cinétique.
Par exemple, d’un point de vue physique, si l’on applique la formule, 1kg de plumes lancé à une vitesse donnée, et un kg de plomb lancé à la même vitesse produise la même énergie cinétique. Pourtant, nous préférons tous nous faire toucher par le kg de plumes !
C’est parce que le kilo de plomb a la capacité de transférer toute son énergie à sa cible (petite surface, temps bref, pas de déformation), tandis ce que le kilo de plumes, en se déformant à l’impact transfère son énergie plus progressivement et sur une surface plus grande.
L’impact, c’est donc l’accélération très brutale d’une cible ou d’une partie d’une cible provoquée par la rencontre avec un autre objet en mouvement (mouvement = déplacement relatif par rapport à la cible : si la cible recule, l'impact est amoindri, si la cible avance, il est augmenté).
A la différence des objets inanimés, qui subissent les lois de la physique, le combattant à la possibilité de moduler les effets de ses frappes. Ainsi, on peut frapper sec, rapidement et "léger" (sans mettre de poids derrière), ou on peut frapper lourd, avec une sensation d’écrasement, en dépassant la cible. On peut de même choisir la partie du corps qui frappe, en privilégiant des parties dures (kento, coudes, genoux, …) ou plus molles (paumes, avant-bras, …).
Ces choix dépendent de la zone ciblée : si l’on vise une partie dure, le visage par exemple, il faut mieux frapper avec une partie molle, pour éviter de se faire mal, et léger pour ne pas provoquer de dégâts irréversibles. A contrario, sur une partie molle (ventre, cuisse, …), il vaut mieux frapper avec une partie dure et avec l’intention de pénétrer la matière, afin de passer les couches protectrices et de toucher les points sensibles.
En "connectant" ou pas son poids à sa frappe, on module donc ses effets.
En résumé, les paramètres à prendre en compte :
• Capacité technique à exécuter une bonne rotation, vitesse et relâchement,
• Transfert de poids vers l’avant, vers le bas, les 2,
• Densité et surface de la zone de frappe (c'est l'histoire du kilo de plumes et du kilo de plomb),
• Densité et surface de la cible,
• Présence d'organes ou de zones sensibles à « chercher » sous la zone de frappe,
• Pénétration du coup ou distribution de l'énergie en surface, ...
Cinquième enseignement : toute cette belle théorie est vaine si vous n’êtes pas capable de connecter votre superbe frappe puissante avec une cible et si possible celle que vous avez choisie.
Derrière la puissance, il y a aussi une intention, une question de mental. Il y a ceux qui frappent fort en ayant malgré tout dans le fond "peur de faire trop mal" et il y a ceux qui frappent sans retenue, sans aucun souci de la préservation de la santé de leur adversaire...
Donc à frappes sensiblement identiques en apparence, il y a celui qui frappe pour frapper et celui qui frappe pour coucher !! C’est la différence entre le boxeur qui gagne tous ses matchs aux points et celui qui gagne tous ses matchs par KO.
Timing, précision, coup d'oeil, sens des angles... en fait, combattre, c’est faire de la géométrie en 3D d'objets complexes en mouvement... Des fois le coup ne passe pas, et en pliant un peu les genoux, en changeant l'angle d'arrivée du coup de 4 degré ça passe... des fois en frappant vite ça ne passe pas… alors qu’en envoyant un truc au ralenti, l’adversaire ne pige plus rien et sblah il prend le coup...
Il est donc primordial de travailler la précision des coups en attaque et de continuer à regarder ET à analyser tout le temps, tant en attaque qu’en défense, même quand les coups pleuvent, …
Voilà, en espérant que cet article vous donnera des pistes et vous permettra de vous fixer des objectifs pour faire progresser votre puissance de frappe. Technique d’abord, vitesse et masse ensuite, déplacement, timing et précision enfin.
Bon entraînement !
PS : la notion de coup de poing utilisé dans cet article ne vaut que comme exemple de frappe. Nous ne recommandons pas de frapper à poing nu fermé en situation de self-défense, mais plutôt de privilégier la main ouverte.
PS : en grande partie la matière de cet article nous a été fourni par une discussion sur le forum de David Manise. Merci à lui et aux participants.