Une des vastes questions abordée par les arts martiaux, les sports de combat et la self défense est celle de la garde.
Cette notion est claire dans un cadre sportif ou démonstratif : il s'agit de trouver le meilleur rapport protection/réactivité en fonction des règles de l'art ou du sport concerné. Ainsi, les sports interdisant les frappes au visage autorisent une garde des mains basse. Les sports interdisant les saisies ont également une garde différente de ceux les autorisant. Il en va de même pour les coups de pieds : lorsqu'ils sont interdits dans les jambes, la posture du bas du corps diffère des sports pour lesquels les attaques basses sont admises.
Il en va tout autrement dans le cadre de la self défense, car si le rapport protection/réactivité reste primordial, d'autres facteurs sont à prendre en compte. Il s'agit :
- De l'aspect visible/ identifiable de la posture de garde
- De la capacité d'une posture unique à permettre de faire face à un maximum d'attaques différentes (tous usages vs spécialisation)
- De la capacité de cette posture de garde d'être évolutive et non figée, pour "suivre" l'évolution des situations
- De sa capacité à permettre l'usage des mains nues ou d'armes diverses sans pour autant nécessiter un apprentissage très différent (usage mains nues et armées similaire)
Dès lors, force est de faire les constats suivants :
1. Les gardes sportives ou martiales ne sont pas les mieux adaptées au cadre de la self défense.
- Elles sont visibles et reconnaissables par l'agresseur, et peuvent constituer un acte de défi, ou peuvent être interprétées comme une volonté d'en découdre. Elles n'aident donc pas à calmer la situation.
- Etant visibles, elles annulent l'effet de surprise éventuel d'une attaque ou d'une contre-attaque.
- Elles sont visibles et reconnaissables par des témoins : dès lors, en cas de conflit, il sera plus difficile de prétendre avoir voulu calmer les hostilités.
2. L'absence totale de garde n'est pas non plus une solution.
Certaines écoles font travailler les élèves en partant bras ballants, arguant que "dans la rue, on ne peut pas prendre de garde", et qu'il faut s'entraîner à réagir à partir d'une position de base.
Il nous semble que cette manière de penser n'est exacte que dans les cas somme toute rares d'embuscades et "d'attaques sans prévenir".
D'une part, ces formes d'attaques doivent être prévenues par une vigilance de tout les instants (code jaune ou orange), qui permet quand même une forme de garde instinctive. D'autre part, ces attaques sont plus rares qu'il n'y paraît, par rapport aux "agressions" du quotidien, qui démarrent souvent par une phase verbale (incivilités, "interview" dans le but de détourner l'attention, etc…)
Se passer de garde dans ce type de situation nous paraît bien dommage. Or, face à quelqu'un qui nous crie dessus, il est difficile de justifier la prise d'une garde d'art martiaux ou de sport de combat, qui sera immédiatement jugée agressive et jettera de "l'huile sur le feu"
3. La garde de self-défense doit être une plate-forme de combat
C'est la quadrature du cercle : une pose discrète, passe-partout, qui soit apaisante, mais constitue en même temps une bonne protection, et donne la possibilité d'attaquer ou de contre-attaquer de manière efficace.
Pour se faire, une solution est d'adopter une posture naturelle, pieds écartés largeur des hanches, légèrement décalés. Les mains sont écartées, largeur et hauteur des épaules à peut près. Les paumes ouvertes sont tournées vers l'extérieur.
Cette posture présente plusieurs avantages. De l'extérieur, elle donne un signe clair d'apaisement, les mains ouvertes signifiant de manière universelle "je suis sans armes et je recherche la paix". Cette posture convient donc très bien dans une phase de désescalade verbale, lorsque l'on cherche à contrôler la situation en l'apaisant : la gestuelle renforce la parole.
Les bras semi-fléchis maintiennent une distance et servent de "senseurs". Ils rendent plus difficile l'approche au corps-à-corps, et de plus, seule une personne mal intentionnée ira s'approcher, toucher ou bousculer les bras. C'est la théorie développé par les pratiquants anglais, qui nomment cette posture "The fence", la barrière.
Dès que l'adversaire ose toucher vos bras, ou les bousculer, vous devez monter votre attention d'un cran, car cela démontre la motivation de votre agresseur.
De cette posture de garde de self-défense, il est assez facile de casser la distance pour entrer en contre-attaque dès que l'adversaire dévoile clairement ses intentions, par exemple par une saisie ou une frappe.
1. Une des solutions consiste à avancer une jambe (poids vers l'avant), et à tendre les deux bras, tel un fer de lance, et venir placer les 2 mains sur le visage ou la poitrine de l'adversaire. La tête est rentrée dans les épaules et dans les bras (les oreilles touchent les biceps). Cette position permet d'entrer dans la garde adverse, ou sert également de contre "universel" à la plupart des attaques de bras les plus fréquentes.
Une fois le contact établi, passer aux frappes qui s'imposent (coudes, genoux, baffes, etc…)
2. Une autre solution, elle aussi universelle, consiste une fois de plus à rentrer dans la distance (avancer un pied, poids vers l'avant), tout en venant verrouiller le coude le long du visage (comme si on se recoiffait les cheveux). Le bras choisi importe peu, droite ou gauche. Le coude forme une pointe qui vient percuter l'adversaire (sans chercher à viser, là où ça touche, c'est bien !), tout en masquant la moitié de votre visage. L'autre main est tendue devant vous, elle cherche à frapper le visage adverse, ou à parer une attaque.
Là encore, une fois l'entrée réalisé, poursuivez par la technique de votre choix.
Bien entendu, il ne s'agit pas de prendre cette garde de self défense lors d'une altercation orale, et de rester figer tel un robot face à la menace. Vous aurez bien vite l'air tout aussi bizarre que si vous aviez pris la garde étrange d'un art martial exotique.
L'intérêt de cette plate-forme de combat, de cette posture du corps et des mains est qu'elle permet d'évoluer tout en parlant, en suivant le dialogue. C'est ce que nous appelons "parler italien", comme les italiens qui parlent avec les mains. Mais la logique de cette gestuelle est toujours la même : maintenir une distance, lancer des senseurs, être positionné afin de rendre difficile l'attaque adverse, et facile votre contre ou votre riposte, mais masqués.
Nous reviendrons sur ce point dans un prochain article.
Bon entraînement.
AVERTISSEMENT : cet article n'est édité que dans un but de rappel pour les élèves du club, où comme source de découverte et d'information pour des lecteurs pratiquants ou non pratiquants. L'association décline toutes responsabilités pour les incidents ou accidents pouvant survenir suite à l'exécution des techniques décrites ci-dessus, en dehors d'un espace d'entraînement prévu à cet effet et sous la supervision d'un professeur diplômé d'Etat.